Un peu de détente après le boulot

Il devait être aproximativement 19h00, quand Dakota poussa les portes du casino Polytelis. Bien habillé pour l'occasion, il portait un costume trois pièces noir, ce qui n'était pas dans son habitude, mais bon, il avait appris que dans cette ville il fallait apprendre à faire des sacrifices.
La nuit précédente avait été excessivement longue, puisqu'elle avait empiété sur sa journée à la demande de sa cliente, qui avait payé un supplément, bien entendu.
Il était complètement vidé, et il n'avait pas le temps de se reposer avant de reprendre du service, aussi s'accorda-t-il un petit moment de détente au casino, mais il était d'abord passé à son appartement pour y déposer sa recette, dont cinq pourcents revenaient d'office à son employeur, prendre une douche et se changer.
Il avait quand même emporter de quoi se changer de nouveau avant de commencer le travail, mais il avait laissé son sac dans son Audi TT qui se trouvait actuellement dans le parking du casino.

Il se dirigea droit vers la banque de change pour y échanger son unique liasse de billets contre des plaques, après quoi, il prit la direction des tables de Black Jack.

- Tiens, salut Jane, lança-t-il à la croupière, qui fut l'une de ses premières clientes à ses débuts.

" Dakota ! T'es pas en service ajourd'hui ? ", demanda-t-elle les yeux légèrement brillants.

Il prit place et lui fit signe de commencer à distribuer.

-Pas encore, j'ai décidé que je méritais bien une petite pause.

Elle hocha la tête, et retourna deux cartes devant lui.

" Un huit et un six,...qu'est ce que tu décides ? ", demanda-t-elle d'une voix langoureuse.

Il sourit, se sentant en veine aujourd'hui, et fit totalement abstraction du ton sans équivoque de Jane, et répondant :

- Hum carte !

C'est là que le sept sortit, comme par un miraculeux hasard.

" Eeeet Black Jack ! ", termina Jane d'une voix forte.

Etant donné que Dakota ne souffrait d'aucune addiction, mais avait pour habitude de quitter le jeux dès qu'il gagnait, aussi prit-il son butin et s'éloigna. Cependant, il se retourna en sentant le regard de Jane dans son dos, sûrement en train de reluquer son postérieur, et s'humecta les lèvres dans un geste bien visible.

- Je serais ravis de te compter à nouveau parmis ma clientèle darling, lança-t-il avant de reprendre son chemin en ricanant.

Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Seulement 19h30, il lui restait encore du temps à tuer avant de commencer le travail, aussi décida-t-il de se rendre au bar, ou il commanda un double scotch.
Son protable se mit à sonner.

- Wei ? dit-il en décrochant, réprimant un baillement.

Comme chaque jours, c'était son boss qui lui communiquait son secteur.
Après une dizaine de minutes à marchander pour avoir le meilleur des secteurs, il dit :

- Roger ! puis il raccrocha, et retourna à la dégustation de son double scotch.

Un cri à glacer le sang retentit suivi d'un coup de feu, en provenance d'une salle privée du Casino Polytelis. Les regards se tournèrent vers la porte mais personne ne moufta. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit sur une jeune femme à l'air blasé dont le visage et les vêtements étaient tâchés de sang. De sa main gauche, elle soutenait une canne sur ses épaules, et tenait un poignard maculé d'hémoglobine dans sa main droite. Les gens s'écartèrent précautionneusement sur son passage, préférant faire mine de ne pas la remarquer.

Comme si Charlie allait se soucier de leurs sales têtes. Tsss... Tout ce dont elle avait besoin, c'était d'un bon verre de Moloko. Le contrat qu'elle venait d'exécuter avait été d'un ennui mortel. La pièce où elle s'était retrouvée enfermée avec sa victime était si petite qu'il lui avait été impossible de jouer avec elle. Elle avait dû se contenter de poignarder le businessman, puis de lui tirer une balle dans la tête, repeignant ainsi les murs de la salle privée de sang. Mais c'était bien la seule chose qui avait légèrement amusé Charlie, et cela ne lui suffisait pas du tout.

C'est pourquoi elle était de très mauvaise humeur. Elle s'approcha du bar qui était bondé et chercha un place libre. Il y avait un banc libre entre un gros balèze et un jeune homme à l'air inoffensif. Bon. Cela ne la réjouissait pas d'être ainsi entourée, mais elle avait vraiment trop besoin d'un verre pour jouer les princesses. Elle s'installa donc sur le banc.

- Qu'est-ce qu'on vous sert ? demanda le barman en lorgnant d'un oeil curieux et inquiet cette étrange créature ensanglantée.
- Vous avez du Moloko ?
- Euh... Quoi t'est-ce ?

Charlie poussa un soupire à fendre l'âme. Bien sûr, ce n'était pas ici qu'elle allait trouvé de ce lait dopé au speed, crack et mescaline synthétique... Mais, à part une grosse déception, cela ne coûtait rien d'essayer.

- Bon, bah un sex on the beach, alors.

Le barman hocha la tête et commença à préparer le cocktail. Charlie attendait, l'air profondément ennuyé, soutenant sa tête dans une main et pianotant avec impatience de l'autre sur le comptoir. Soudain, un python surgit du col de son chemisier, dardant sa langue en direction du jeune homme qui était à la droite de Charlie. Basil approcha prudemment sa tête triangulaire en direction du jeune homme. Charlie sentit les ondulations du reptile sur ses épaules et tourna la tête pour voir ce qu'il fabriquait. Lorsqu'elle constata que l'attention de son compagnon était portée sur son voisin, elle retroussa la lèvre inférieure dans une moue de claire désapprobation. Alors que le barman déposait son cocktail devant elle, Charlie força Basil à détourner son attention et lui fourra la tête dans son chemisier.

- Vraiment bébé y'a des jours où tu me fais honte ! grinça-t-elle entre ses dents. T'as vraiment des goûts de chiottes.

Une jeune femme s'assit à côté de lui, par réflexe, Dakota la détailla. Il sourit et reporta son attention sur son verre.

* Ah ces jeunes, a toujours vouloir se démarquer *, pensa-t-il alors que lui même n'était âgé que de vingt-cinq ans, et se doutait qu'il ne devait pas être beaucoup plus vieux qu'elle.

Bien sûr, il avait remarqué les taches de sang qui constellaient son chemisier, mais il n'en avait cure, ayant appris il y a longtemps à ne pas se mêler des affaires des autres.

Alors qu'il dégustait tranquillement, il remarqua que quelque chose bougeait, venant du côté de la jeune fille. Il tourna la tête, et sursauta légèrement, quand il se retrouva nez-à-nez avec un serpent
Dakota n'était pas fana des reptiles, aussi ne put-il réprimer un frisson, mais ne bougea pas de sa place.

La jeune femme remarqua enfin que sa bestiole n'arrêtait pas de fixer Dakota, et elle le fit retourner d'ou il venait, en marmonant quelque chose qu'il eut du mal à comprendre, cependant, il en déduit le sens, et ne pris même pas la peine de s'excuser.
Il haussa les sourcils.

-Euh excusez moi, c'est de moi que vous parlez là ?

Dakota n'était pas suicidaire, mais il ne pouvait pas s'en empêcher.

Alors que Charlie s'apprêtait à ranger son poignard dans sa canne et à commencer à siroter tranquillement son cocktail, lorsqu'elle s'entendit se faire adresser la parole. Elle resta quelques secondes figée, le regard dans le vide, le geste qu'elle avait esquissé pour ranger son poignard suspendu, comme si quelqu'un avait appuyé sur le bouton pause. Puis, elle tourna lentement, très lentement, la tête vers le jeune homme et le regarda d'un oeil noir, très noir. Puis, elle parla, d'une voix étrange, si grave qu'on l'aurait crue enrouée, et en détachant très nettement chaque syllabe.

- A - ton - avis ?

Basil ressortit subitement sa tête du col de sa maîtresse et émit un sifflement perçant.

- Tu crois que je parlais de l'autre montagne là ? demanda-t-elle en agitant son poignard en direction de son voisin de gauche, l'aspergeant allègrement de gouttes de sang.

- HEY ! gronda la montagne en question.

Charlie fit volte face.

- QUOI ?! aboya-t-elle, les yeux exorbités. QUOI ?! QU'EST-CE QU'IL A LE GROS MOCHE ?! ME CHERCHE PAS MON FRERE, PIGÉ ?!

Charlie, avec son air de folle furieuse bonne pour la camisole à vie et son visage couvert de sang, son python ondulant autour de sa tête et dardant sa langue d'un air menaçant - juste ce qu'il fallait pour qu'un ignare ignorant que les python ne morde pas craigne de se faire attaquer - devait vraiment faire peur, car la grosse brute ne moufta pas d'un poil et replongea le nez dans sa bière sans demander son reste. Charlie se retourna alors vers le jeune homme.

- Et toi non plus me cherche pas, okay ? grommela-t-elle en ponctuant chaque syllabe en agitant son poignard sous le nez de son interlocuteur, éclaboussant son visage du sang de sa dernière victime qui maculait encore son arme.

Dakota ne songea même pas à s'énerver contre ce qu'elle lui dit, ni ce qu'elle fit, il trouva ça tout simplement grotesque, même pitoyable. Bon d'accord, il était impressionné par son serpent qui aurait pu attaquer pensait-il puisqu'il n'était pas du tout expert en serpent, et ne savait donc pas que c'était un python, et encore moins qu'ils ne mordaient pas, mais pas par elle, ce n'était jamais qu'une femme après tout. Folle dingue, mais une femme tout de même.

A sa dernière phrase, il s 'essuya le visage, et remarqua qu'elle venait de ruiner son costume.

- Du calme, je crois être en droit de ne pas apprécier de me faire insulter par une gamine.

C'était risqué, mais il s'en fichait, il avait toujours dis à tout le monde ce qu'il pensait, et ne s'était pas arrêté à un psychopate.
Oui c'est vrai, on peut dire qu'il a de la chance d'être encore en vie.

* Et qui ferait mieux de se regarder dans un miroir avant de parler du physique de quiconque *, préféra-t-il garder pour lui, pensait que ce serait peut-être trop.

Si ce casino devenait un repère de dingues, il ne préférait pas s'y attarder, aussi il se leva de son siège.

* Bon retour à l'asile *, pensa-t-il amèrement en lui lançant un regard froid avant de prendre la direction de la sortie.

Charlie, qui avait finalement rangé son poignard dans sa canne et avait commencé à siroter son cocktail, manqua de s'étouffer avec ce dernier en entendant la réplique éhontément culottée que son voisin lui adressa. Elle recracha le liquide alcoolisé sur le comptoir en toussant fortement. Elle avait du mal à s'arrêter de tousser et tentait de reprendre sa respiration, ce qui laissa le temps au jeune homme de se lever et de faire quelques pas vers la sortie, car si Charlie n'avait pas été ainsi incommodée, elle lui aurait réglé son compte vite fait, bien fait.

Lorsqu'elle eut finalement reprit sa respiration, elle se leva, si précipitamment qu'elle tomba lamentablement de son tabouret, les jambes par-dessus la tête. Sa jupe ultra courte remonta, dévoilant sa culotte à son ex-voisin de gauche, hilare. Furibarde, Charlie se redressa, tira sur sa jupe, ouvrit son sac, en sortit son Sig-Sauer, et ne fit ni une ni deux : elle décocha une balle dans la tête du gros moche avant même qu'il n'ait eu le temps de remarquer ce qu'elle avait tiré de son sac. Il s'écroula sur le comptoir alors qu'un silence de mort venait de plomber subitement la salle. Silence rapidement suivi par une effusion de cris de panique de la plupart des convives, d'autres, plus discrets, se contentèrent de s'éloigner de cette folle furieuse l'air de rien.

La folle furieuse en question rangea son arme dans son sac pour en sortir une autre : son Meteor Hammer. Elle ne perdit pas une minute et le fit rapidement tournoyer à vive allure au-dessus de sa tête, créant encore plus de réactions de panique autour d'elle.

- Hé, Don Juan, pas si vite, j'en ai pas fini avec toi ! lança-t-elle à l'intention du jeune homme avant de partir d'un rire qu'on pouvait sans exagération qualifier de dément.

Dakota n'avait même pas franchit la porte d'entrée, et accessoirement de sortie, qu'il entendit l'espèce de folle l'interpeller. Il se retourna, et se dit ausitôt qu'il n'aurait pas dû le faire, quand il la vit brandir une arme de malades, ni plus ni moins, et la faire tournoyer au dessus de sa tête.

Légèrement paniqué, il ne voulait cela dit, pas perdre sa dignité, et ne laissa rien paraître.

- Euh ouais.

Il réfléchit à quoi pouvoir dire un instant. Il ne tenait vraiment pas à perdre son sang froid, et prit le temps de bien choisir ses mots.

- Très flatté que tu m'ais appelé Don Juan, dit-il avec un petit sourire.

- Et je t'assure que j'adorerais parler tripes et tortures avec toi, mais je bosse moi, je ne joue pas avec la vie d'autrui, oh sans vouloir te vexer, bien sur, je respecte ton choix, et j'avoue que quelques fois je serais bien tenté de faire de même.

Il fit un quart de tour sur lui-même, avant de continuer :

-Mais malheureusement, j'ai des obligations, et si je n'arrive pas au travail à l'heure, mon boss me transformera en tartare, bien avant que tu aies eut le temps de toucher un seul de mes cheveux.

Il se rendit compte que c'était vraiment ridicule ce qu'il disait, mais au moins ça faisait diversion.

- Bon allez, c'est pas que je m'ennuie, mais je commence réellement à être en retard, et si tu veux pouvoir t'amuser avec moi, il vaudrait mieux que tu me laisse partir, sinon il ne restera plus rien de mon corps, et faut avouer que ce serait dommage.

Tellement soufflée par le fait que le jeune homme ose lui répondre de la sorte - il jouait d'ailleurs très bien son jeu puisque pas une seconde Charlie deviner qu'il dissimulait sa panique - Charlie en oublia de l'attaquer, ce qui lui permit de débiter ses répliques toutes plus pathétiques les unes que les autres. Ce fut d'ailleurs ce qui le sauva, car si Charlie n'avait pas été aussi estomaquée, elle lui aurait rapidement réglé son compte. Au lieu de cela, elle continuait à faire tourner la sphère d'acier au-dessus de sa tête sans se décider à la lancer.

Ce ne fut que lorsqu'il se tut puis lui tourna à nouveau le dos que Charlie se réveilla. Elle poussa un rugissement digne de la folle à lier qu'elle était et se décida finalement à frapper : elle projeta la sphère d'acier en direction du jeune homme, provoquant un autre mouvement de panique dans la foule. Les gens se pressèrent vers la sortie et, dans l'affolement général, une jeune femme fut bousculée. Malheureusement pour elle, elle se retrouva alors en plein dans la trajectoire de la sphère hérissée de pics et la reçue en plein visage. La force du choc projeta la jeune femme défigurée, et qui aurait son nom le lendemain dans la rubrique nécrologique du quotidien d'Ataxia, sur le jeune homme.

Charlie se sentait un tout petit peu mieux, mais ce n'était pas encore l'extase. Elle était de trop mauvaise humeur pour vraiment réussir à s'amuser. Tout ce qu'il y avait en elle pour l'instant, c'était de la rage.

Alors qu'il lui tournait le dos pour reprendre le chemin du parking au plus vite, chose qu'il n'aurait jamais, oh grand jamais du faire, la folle-dingue envoya son objet de la mort droit sur lui.

Si la foule ne s'était pas agitée, il serait probablement mort à leur qu'il est, et ça aurait été bien dommage, comme il l'a lui même si bien dit.
Mais par un heureux coup de chance, enfin ça dépend pour qui bien entendu, une femme se retrouve a mi-chemin entre l'objet de la mort et lui, et le prit en pleine face, bien sur, la pauvre femme mourut sur le coup, et son corps tomba lourdement sur Dakota qui la rattrappa et s'en débarrassa aussitôt en la laissant tomber sur le côté.

Il ricana en remerciant les dieux de lui avoir épargner la vie, face à cette cinglée de gamine, puis il profita de la confusion général, pour sortir. Quel courage hum ? Ben pour sa défense, nous dirons que Dakota ne tient pas particulièrement à mourir, les héros qui se sacrifient, ça n'a jamais été sa tasse de thé.

Après quoi, il se rendit finalement au parking.

* Que de péripéties pour y arriver *, pensa-t-il amusé.

Il retrouva son Audi, s'installa au volant, et se grilla une cigarette, avant de prendre rapidement la poudre d'escampette, direction son lieu de travaille.

La fureur qui consumait la jeune femme ne fit que s'intensifier lorsqu'elle constata qu'elle avait lamentablement manqué sa cible, et tout cela à cause d'une idiote qui s'était mise en plein dans la trajectoire de son arme. Elle eut juste le temps de voir sa proie se sauver avant de pousser un grognement de rage. D'exaspération, elle se défoula sur deux ou trois innocents qui n'avaient pour seul tort que de s'être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. D'un coup de la sphère létale, ils eurent l'immense privilège de se faire offrir un aller direct et sans retour vers les plaines immortelles... ou quoi que ce soit.

Puis Charlie fit progressivement stopper la révolution de son Meteor Hammer pour le ranger dans son sac d'où elle tira ensuite son Sig-Sauer. Mis à part les trois ou quatre cadavres et quelques personnes qui s'étaient cachées sous les tables, le casino était désormais presque désert. Charlie s'approcha du corps de la femme qui lui avait fait rater sa cible et vida la moitié de son chargeur dans le visage déjà défiguré de la macchabée. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour se décharger d'un peu de sa colère.

Elle rangea son arme dans son sac, puis s'approcha du bar, là où elle s'était assise quelques minutes plus tôt. Elle saisit son verre et le vida d'une traite. Puis elle sortit un billet de dix dollars et se pencha par-dessus le comptoir afin d'apercevoir le barman qui s'était réfugié dessous. Elle agita son billet et aboya :

- File-moi ma monnaie, bratchny !

Le pauvre type ne se le fit pas dire deux fois. Il se redressa et fouilla nerveusement dans sa caisse dont il tira un autre billet de dix dollars, ne prenant même pas le temps de vérifier ce qu'il faisait, et qu'il tendit d'une main tremblante à la jeune femme. Charlie le saisit et, non seulement elle ne lui fit pas remarquer son erreur, mais elle reprit en plus son propre billet de dix avant de quitter les lieux d'un pas rageur.