La vie est injuste…

Eloane vit bien que même si elle le cachait sous ses airs de serveuse polie, sa petite flic n’avait pas aimé l’attitude de son homme. Cela la fit sourire. Personne n’était bien entendu au courant de ce qui s’était passé entre elles un peu plus tôt dans la soirée. Elle avait envie de jouer un peu, il était clair qu’elle n’éprouvait pas les mêmes sentiments que Malhia, elle avait renoncé à ce genre de chose depuis longtemps. Elle préférait s’amuser, profiter de la vie plutôt que de s’emprisonner dans une relation avec une seule personne. Ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était provoquer, se faire désirer, et elle était maîtresse en la matière. Elle quitta la demoiselle des yeux, et prit une grande gorgée du cocktail. Il était fort, le gout se sentait à peine, pile poil ce dont ils avaient besoin.

A nouveau, elle alluma une cigarette qu’elle fuma à vitesse grand V, et elle jeta le mégot encore allumé sur le sol. Ses hommes étaient partis dans une discutions qu’elle ne suivait pas, elle était bien trop occupée à penser à Malhia. Sans un mot elle se leva, et se dirigea d’une démarche féline, d’allumeuse pour tout dire vers celui qui avait eu ce geste déplacé envers Malhia, et elle s’assit sur ses genoux, ayant prit soin de ne pas s’assoir sur le tissu de sa jupe, posant ainsi directement ses cuisses nues sur les jambes de l’homme qui resta un instant les yeux écarquillés, le silence s’était fait autour de la table. Très fière d’elle, Eloane passa ses mains derrière le cou de Damien, puisque c’était son nom et elle le serra dans ses bras, en allongeant ses jambes sur le côté.

Mais la tête sur son épaule, c’était Malhia qu’elle fixait, avec un regard de braise qui lui faisait clairement comprendre qu’elle désirait jouer avec ses nerfs. Elle resta quelques instants sans bouger, l’autre non plus n’osait rien faire. Personne n’avait remarqué le lien visuel entre les deux jeunes femmes. Quand elle fut certaine d’avoir capté l’attention de sa belle, elle glissa à l’oreille de l’homme sur un ton suave :

-Damien mon choupinet, je viens de fumer ma dernière clope, et y’a que toi qui fuma la même marque que moi.

Elle se redressa ensuite pour pouvoir le regarder dans les yeux, et fit une petite moue. Déconcerté, il sortit en vitesse son paquet et le tendit à sa patronne. Cette dernière tendit les lèvres, démontrant qu’elle souhaitait être servie jusqu’au bout. L’autre lui glissa donc une cigarette, et l’alluma. Elle resta ensuite sur ses genoux, et la discutions reprit comme s’il ne s’était rien passé, sauf qu’Eloane y prit part cette fois ci, attendant une réaction de la jeune femme, ou pas…

¤Article 6 du code de police : l'agent de police moyen est intègre, impartial et loyal envers les institutions gouvernementales. Il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. Il est placé au service du public et se comporte de manière exemplaire envers celui-ci. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques. Courage ma fille, tu es passé au travers de pire, focussent sur ta profession et fait le vide dans ta tête… Article 7… Article 7… Merde, c’est quoi déjà l’article 7? C’est ça Elo… fais toi désirer, abuse de la situation… Tu baiserais avec ici et maintenant que je resterais de marbre… Et si tu penses que je te connais si mal…¤

La gentille serveuse se racla la gorge et s’approcha de la chef de la Mavros. Affichant un air angélique, malgré le fait que si Elonae regardait bien elle verrait clairement le fond de la pensée de Malhia, elle prit la parole d’un ton poli et respectueux.

« Si mademoiselle désire d’autres cigarettes, je me fais une joie que de lui offrir les miennes. La maison tient à ce que ses clients soient satisfaits… »

Et un paquet de cloppes, ceux de la marque d’Eloane en plus, « par hasard »… Elle en ferait bien ce qu’il lui en plairait, Malhia venait de marquer son point. Elle connaissait bien son ex Némésis et elle saurait attendre avant de la ravoir pour elle en toute intimité… Et côté patience, de par ses origines, Malhia était championne, de quoi donner des complexes à Ghandi… Enfin… Ça c’était quand elle se donnait la peine. Autrement, elle n’était pas du genre calme et posée…

¤Ton cœur n’est peut-être pas à moi Elo, tu ne changeras pas pour moi et tu continueras à baiser tout ce qui bouge mais ça je m’en fous. Je peux supporte ça, je peux le tolérer et je sais ce que je vais endurer dans le futur, chaque foutu jour de chaque foutue année de ma chienne de vie. Ça fait un sacré bout de temps que je m’y prépare…¤

Autant penser à autre chose. Autant faire le focus ailleurs, se replonger dans les codes de loi et les souvenirs. Dans ce genre de combat, il fallait commencer par les plus piètres réserves avant d’entamer les meilleures. Et le combat était loin d’être finit il commençait à peine… Et Eloane lui faisait même un cadeau, elle lui donnait le nom du type qu’Elle se chargerait de faire passer de vie à trépas…

Elle eut l’effet désiré au moment où Malhia s’avança vers eux. Ce qu’elle espérait ce n’était pas que l’autre fasse une crise de jalousie loin de là, elle voulait juste, comment dire… Une réaction quelconque. Et elle l’avait obtenue. Un silence suivit la demande de la serveuse. Les autres la regardait avec des yeux ronds, Eloane elle la fixait avec une lueur de défit dans le regard. Qu’allait-elle faire ? Allait-elle s’énerver ? Oh ce serait cocasse. Elle passa ses doigts dans le cou de son pseudo amant, et répondit à la jeune femme :

-Merci mais je pense que j’ai trouvé de quoi… Fumer pour ce soir.

Les autres ne savaient plus si elle était ivre ou sérieuse. Elle se comportait souvent en allumeuse certes, mais jamais avec ses proches collègues, pas les hauts gradés. Elle ne e privait jamais quand ils sortaient, face à un inconnu, mais elle n’était jamais comme ça ou presque avec un membre de son équipe. Si Damien n’avait pas été un habitué des missions en compagnie de sa boss, cela n’aurait choqué personne, mais… Là… Ca sortait de l’ordinaire.

-Mademoiselle a-t-elle quelque chose d’autre à nous proposer ?

Elles échangeaient plein de sous entendus qu’elles étaient les seules à pouvoir comprendre. Officiellement elles ne s’étaient jamais vues, elles n’étaient que de parfaites inconnues, Eloane Boss de la Mavros et Serveuse anonyme… La serveuse anonyme, et certainement pas capitaine des forces de police d’Ataxia. Et même si cela se savait… Au final… Cela ne choquerait pas plus que cela. La Mavros n’avait qu’un seul véritable ennemi, la Schya, venait ensuite la Synnefo, et en dernier seulement les policiers. Qu’elle fricotte avec un Schya, ce qui était au passage déjà arrivé, et pas avec n’importe quel Schya d’ailleurs, là ce serait quelque chose d’incroyable. Mais qu’elle s’amuse un peu avec un représentant de ce qui restait de loi… c’était « normal ». « Étrange » à la limite, mais rien de plus.

Eloane serra à nouveau son compagnon dans ses bras, sans cesser de fixer la policière. Elle poussa le vice jusqu’à aller se lover dans le creux de son cou. Il n’y avait plus un bruit, ni à la table ni dans la salle qui était beaucoup moins pleine qu’à l’arrivée des Mavros. On sentait bien le climat de malaise, et avec de telles personnes dans les parages, on ne savait jamais comment ça pouvait tourner. Aussi autant être prudent. Certain s’en allaient discrètement sans payer pour ne pas faire de bruit, d’autres n’osaient plus bouger ou relever les yeux, les employés eux étaient suspendus aux lèvres de cette nouvelle collègue arrivée si subitement, l’établissement pouvait se retrouver à feu et à sang si elle avait quelques paroles malheureuses…

« À part offrir de payer cette tournée pour vous, mademoiselle, je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus pour votre groupe. Individuellement, je ne sais trop, sans doute pour vous en tant que chef. Mais je ne suis qu’une simple serveuse et ce que je possède se compte sur les doigts d’une main, le strict nécessaire, un toit, de la nourriture, un lit… C’est bien peu de choses. Rien qui puisse vraiment intéresser des gens de votre envergure. Les gens puissants ne se contenteraient sans doute pas de choses si simples. »

Ah mais c’est qu’elle avait mit l’emphase sur le mot lit notre Malhia. Rien de suffisamment évident pour le commun des mortels mais cela voulait dire beaucoup pour Eloane Helies. La policière resta de marbre, impassible, si ce n’est l’ombre d’un sourire qui joua sur ses lèvres en croisant le regard de la chef de la Mavros. De toute façon, tout le petit monde présent tentait désespérément de ne pas trop croiser du regard cet échange qui bien qu’Anodin était assez terrifiant… La serveuse était-elle donc si inconsciente pour parler avec autant de légèreté à une des plus grandes criminelles du siècle?! Et de son côté, Malhia commençait à trouver lassant le petit jeu d’Eloane. Elle avait marqué son point, que voulait-elle de plus? Humilier la policière? Tsss… Ça ne marcherait pas. Malhia Lyman aurait pu se promener nue sur la rue que sa réputation n’aurait pas changé d’un poil. Pas après ce qu’elle avait fait. Ce qu’il restait de la justice et de l’administration préférait tolérer les excentricités de leurs meilleurs éléments plutôt que de les voir changer de carrière… Et dans le cas de la policière, elle partit, elle emportait avec elle toute la section spéciale. Donc on était très magnanime avec Malhia… Enfin, sauf Fatman qui adorait lui rendre la vie dure mais qui pliait quand même l’échine quand elle avait à se justifier pour ses actes.

« Je vois que votre consommation est bien entamée… Si vous le permettez je vais vous en amener une autre, histoire de m’assurer que vous n’ayez pas soif dans l’intervalle… »

Faisant un signe de tête en direction du bar, elle attendit, docilement, une réponse, une réaction, avant de planifier son prochain acte. Rester calme, décontractée et maîtresse d’Elle, voilà sur quoi Malhia faisait le focus en ce moment…

Eloane eut un micro sourire à l’insinuation de la policière, mais cela n’alla pas plus loin. Elle se désintéressa bien vite de cette dernière, volontairement bien sur, et ne daigna même pas poser les yeux sur elle lorsque cette dernière vint les servir à nouveau. La soirée se continuait, encore et encore. Les Mavros ne semblaient pas vouloir partir. Même si l’établissement devait déjà avoir fermé ses portes en temps normal, là personne n’osait leur demander de dégager les yeux. Ils étaient là à parler boire et fumer depuis des heures. La plus part des employés étaient maintenant partis. Quelques clients peut fréquentables avaient profités de la situation pour rester, ils avaient ainsi un toit au dessus de la tête pour une bonne partie de la nuit, ce qui n’était pas toujours le cas.

Plus le temps passait, et plus Eloane s’amusait à taquiner Damien. Ils semblaient être de plus en plus proches, et cela avait fini par ne plus choquer personne. Après tout, Eloane n’avait que rarement deux envies cohérentes l’une par rapport à l’autre. Malhia était revenue les resservir plusieurs fois, mais jamais Eloane ne lui avait accordé une parole. Oui elle était peste, cela ne faisait pas de doute, elle le savait parfaitement.

Finalement, vers deux heures du matin, n’en pouvant plus d’avoir autant consommé, Eloane se leva et se dirigea vers les toilettes pour aller satisfaire une envie naturelle. Elle resta ensuite de longues minutes devant le miroir. Elle était saoule, et pas qu’un peu. Elle était là, comateuse, la bouche entrouverte, plus vraiment consciente de ce qui l’entourait. Elle avait les pupilles dilatées, il faut dire qu’ils n’avaient pas fumé que des cigarettes, elle se sentait ailleurs, elle ne trouvait plus son équilibre. Pour tenter de faire passer les effets, elle se passa de l’eau froide sur le visage, mais rien à faire. Elle finit par rire bêtement en voyant son reflet dans le miroir. Bon sang mais qu’est ce qu’elle avait l’air stupide ! Elle savait parfaitement qu’elle se retrouverait dans cet état mais rien a faire, elle ne pouvait pas s’en passer.

Elle voulu retourner dans la salle mais elle se prit les pieds dans un obstacle invisible et tomba sur le sol, égratignant ses genoux. Elle s’assit alors contre le mur, regardant le sang couler en très faibles quantités sur ses jambes, et se mit à pleurer comme une écolière. Vint ensuite un rire nerveux, compulsif, puis à nouveau des larmes. Elle essuya son sang avec sa main, qu’elle essuya sur le sol qui était lui-même crasseux, et se retrouva avec un mélange de saleté et de sang sur les mains. Mais son état était trop second pour qu’elle s’en rende compte. Elle s’essuya le visage, barbouillant son visage de cet infâme mélange.

Malhia avait joué son rôle toute la soirée, en bonne petite serveuse, serviable, sympathique et obéissante, seule personne dans la salle à ne pas perdre de force, à rester éveillée et attentive. Pour des gens à jeu et moindrement sur le mode défensif, cela aurait paru suspect… Mais les gens de la Mavros étaient soit complètement gelés, soit ivres mort. Alors elle se fondait sans se fondre dans la masse. Elle continua le service, elle continua le travail, elle fit ce qu’il fallait faire pour garder un œil sur SA Eloane Helies. Qui d’Ailleurs semblait de moins en moins en forme… Mais bon, d’une part, elle n’était pas sa mère et savait la jeune femme mature et responsable et de deux, intervenir aurait brûlé sa couverture. Les sacrifices qu’il faut faire par moments pour conserver les apparences… Tout a un prix, il y a un prix à payer pour tout lui avait un jour dit son père… Et c’est principalement aujourd’hui qu’elle en prenait pleinement conscience, en endurant la lenteur des heures et la tournure de la situation.

Après ce qui lui sembla une éternité, une opportunité se présenta à elle : Eloane se leva pour aller à la salle de bain. Malhia la suivit, sans être remarquée. Qui l’aurait pu d’ailleurs : ceux qui n’étaient pas terrorisés et tentaient de se cacher étaient saouls morts ou déconnectés de la réalité… La policière déboucha sur une curieuse scène : une Eloane amochée et en fort piteux état. Elle resta interdite un moment avant de se rappeler bien malgré elle qu’Eloane n’était pas un ange et qu’elle devrait s’habituer à ses nombreux vices… Elle décida d’Aller lui porter secours, essuyant le sang sur les genoux de la boss de la Mavros puis lui nettoyant le visage et les mains. Le tout fait de façon simple rapide et précise mais à une certaine distance au cas où l’autre serait soudainement malade…

« Elo? Est-ce que tu peux m’entendre ou me comprendre? On fait quoi là? Je te ramène à tes petits amis ou je te laisse dessaouler dans les toilettes? Enfin… Pas ici, c’est sale et tout sauf adéquat pour une bonne récupération. ON peut retourner chez moi au pire… Elo? Tu m’entends? Elo bon sang fait un effort et arrête de rire stupidement, ça m’énerve! Ressaisit toi merde, tu es plus forte que ça! »

Dit la policière qui commençait à perdre patience. Elle avait attendu toute la soirée pour ça?! C’était d’un ridicule sans limite! D’une aberrance sans borne! Elle aurait bien mit une paire de baffes à Eloane pour lui remettre les idées en place… Mais même ça n’aurait pas servit à grand-chose….

Eloane s’était mise à nouveau à rire stupidement, mais cela ne dura pas longtemps, et encore une fois, elle pleurait. Elle tapait furieusement le sol, sans grande, force vu son état en bredouillant des lamentations incompréhensibles. Elle finit par se détacher les cheveux, dieu seul savait pourquoi, une lubie passagère, mais ce avec beaucoup de difficulté. A chaque fois que Malhia essayait de la toucher, elle tentait de se défendre comme si cette dernière lui voulait du mal, et elle restait de marbre à chacune des paroles qu’en réalité elle n’entendait même pas. C’était de plus en plus le chaos dans sa tête. Elle n’avait qu’une seule envie : vomir. Mais elle n’y arrivait même pas.

Elle sentait des picotements de plus en plus intenses dans ses doigts et ses pieds. Soudainement, sans prévenir, elle s’effondra sur le sol, en se claquant violemment la tête sur le carrelage. Elle ne sentit rien. Elle pleurait de plus en plus, continuait à parler sans s’arrêter sans qu’un seul mot soit compréhensible. Elle avait le visage ravagé par les larmes et la crasse du sol. Elle se remit à taper des poings, en pestant encore plus fort. A quoi pensait-elle ? A rien. Elle n’était plus là, du tout. Un coup elle frappait, l’autre elle se passait les mains dans les cheveux en faisant une vibration enfantine avec ses lèvres, l’autre encore elle restait sans rien faire.

Et soudain, elle s’arrêta. Les yeux ouverts, elle paniqua. Elle avait de plus en plus de mal à bouger, et n’avait plus la force de lutter. Son esprit faisait peu à peu surface, mais son corps lui ne suivait plus du tout. Avec un regard exorbité, elle lança un sos à Malhia qu’elle ‘n’avait pas reconnu en tant que telle, c’était juste une forme qui ressemblait à un humain et qui pourrait donc lui porter secours. Elle cherchait en vain avec sa main quelque chose à quoi se raccrocher, car elle avait l’impression de basculer en arrière. Elle n’y voyait plus rien, pourtant elle était persuadée d’avoir les yeux ouverts. Elle était inerte, et avait la conviction de remuer dans tous les sens, de se débatre.

Sa respiration était devenue elle aussi difficile. Finalement, ses yeux se fermèrent réellement, sans qu’elle s’en rende compte. Elle avait fait un coma éthylique. Elle ne bougeait plus, ne parlait plus, elle n’était tout simplement plus consciente. Elle était sur le sol des toilettes d’un bar, sous l’essuie-main, la jupe en partie relevée, sale, les cheveux emmêlés, la bouche entrouverte contre le carrelage, avec un peu de bave qui en coulait, et là elle n’était vraiment, mais alors vraiment plus la puissante dame dont on ventait les mérites quelques heures plus tôt.

« Elo? Elo, dit quelque chose merde, remue toi! Elo? ELOOOOOO! »

Un bon 48 heures plus tard, au domicile de Malhia Lyman…

« J’en reviens pas merde il y a toujours des limites aux excès… »

Cette phrase, la capitaine des forces de police se l’était répétée en boucle depuis les derniers jours, vaquant à ses occupations qui se résumaient à prendre la température d’Eloane, la laver au mieux, changer ses pansements, lui donner ses médicaments, la nourrir par intraveineuse… La chambre de la policière était devenue infirmerie provisoire et grâce à certains contacts qui n’avaient été que trop heureux de rendre service à Malhia., Eloane était en sécurité, loin d’un endroit où ses ennemis auraient pu en faire du gruyère, loin de ce bar où une personne de peu de vertu aurait pu abuser d’elle. Oh elle ne se faisait pas d’illusions. Eloane Helies ne la remercierait pas ni ne ferait rien en sa faveur pour lui avoir sauvé la vie. Mais bon, l’ingratitude, la policière connaissait ça. Elle y était même pratiquement habituée voire immunisée. Mais bon, d’un autre côté… Elle avait SA Eloane auprès d’elle, c’était déjà mieux que rien. Posée bien proprement Sur une petite table près du lit, la policière avait mit des vêtements propres pour Eloane, histoire qu’Au réveil elle puisse passer une tenue décente. Retourner à la Mavros à poil était tout sauf une bonne idée aux yeux de la policière…

Et qu’elle était fatiguée cette pauvre Malhia! Entre travail pour le bureau et soins intensifs, elle n’avait pas eu de temps pour dormir et elle entamait une nouvelle tasse de café quand Eloane remua enfin. Se retenant d’aller l’engueuler solide, elle prit un grand respire et alla se porter au chevet de la chef criminelle.. À distance raisonnable pour ne pas « entrer dans sa bulle ». Certaines personnes devenaient agressives si quelqu’un se tenait dans leur bulle au réveil…

« Salut ma belle, on a bien comaté? Tu m’as fais une de ces peurs merde! J’ai bien cru que t’allais crever sur ce plancher de bar et que tes gars n’avaleraient jamais mon excuse. Mais bon, tout est bien qui finit bien, ta policière préférée t’a sauvé la mise! »

Annonça la policière d’un ton presque amusé… Si le sérieux qui transparaissait n’avait pas enlevé une partie de l’effet… Car Malhia s’était vraiment inquiétée pour la chef de la Mavros. Et elle avait dû s’inventer toute une histoire et convaincre ses collègues plus souvent qu’autrement pour pouvoir se « payer » ce temps libre…

Eloane ne se rendit pas compte qu’un aussi grand laps de temps s’était écoulé. Pour elle, elle avait juste fermé les yeux l’espace d’une seconde, et elle venait de les rouvrir. Embêtée, elle entendait une voix, sans la comprendre. Il n’y avait que ce ton de reproche, et ce mot qui raisonnait, « Elo », Malhia n’avait pas arrêté de le prononcer le soir où elle avait fait son coma. Mais il n’y avait pour la jeune femme qu’une seule personne qui l’appelait comme cela, qu’une seule personne qui avait le droit, qu’une seule qui avait jamais essayé d’ailleurs, hormis la policière : son frère ainé, mort depuis bien longtemps. Tué par un Mavros d’ailleurs, cruelle ironie, mais elle ne le savait pas et ne le saurait jamais.

Toujours est-il qu’elle prit sa sauveuse pour son frère, et vu son état, elle ne trouva pas étrange que celui-ci soit présent après toutes ces années d’absence. Immédiatement, elle se mit à avoir honte d’elle. Elle ne se rappelait pas de ce qu’elle avait fait, elle ne se rappelait même pas d’avoir fait quelque chose de mal, mais elle détestait que son frère la gronde, c’était bien pire que ce soit lui plutôt que son père ou sa mère (disparus eux aussi). Elle referma les yeux, serra les poings et ramena péniblement ses genoux contre son ventre et se mit à sangloter :

-Pardon Guillaume pardon, j’ai pas fais exprès, je le ref’rais plus, pardon !

Elle pleurnicha ainsi un petit bout de temps avant de rouvrir les yeux, pour constater qu’elle s’était trompée de personne. Elle regarda autour d’elle, cherchant désespérément son frère du regard mais non. Surprise, elle essuya les larmes de ses yeux avec ses mains, et ahurie elle fixa la policière. Que faisait-elle là ? Et pourquoi l’avait-elle soignée ? Comme souvent dans ce genre de situation, les dernières heures avant son « accident » avaient été effacées de sa mémoire, et donc, les explications qu’elle avait eu avec Malhia également. Elle la voyait toujours comme un flic qui voulait lui faire la peau, la trainer derrière les barreaux comme elle le lui avait promit.

-Mais.. Mais où… Qu’est ce qui se passe… ? La prison.. ?

Mais non, cela ne ressemblait en rien à la prison, ni même à l’infirmerie de la prison. Alors, pourquoi se trouvait-elle seule avec son ennemie mortelle dans cette pièce vide ? Pourquoi elle ne s souvenait de rien ?! Pourquoi, pourquoi tous ces fils dans ses veines ?! Pourquoi, qu’est ce qui se passait, elle ne comprenait pas, elle se mot à crier, à arracher les aiguilles de ses bras, elle tomba de son lit, et se traina dans un coin de la pièce n tremblant. Elle n’avait rien pour se défendre, et elle ne voulait pas mourir là, elle ne voulait pas mourir de la main de cette femme. A force de jouer avec le feu on finit par se bruler, et voilà ! Elle n’avait jamais voulu la tuer, mais elle avait oublié un détail, elles étaient deux dans ce jeu là, et d’années en années, elle n’avait réussi qu’à se faire haïr encore plus par l’autre, et elle ne voulait pas, non elle ne voulait pas que ce soit elle qui la tue ! N’importe qui d’autre, mais pas… Pas ce qu’elle considérait comme une amie. Une amitié étrange oui, avec un jeu bien singulier. Un jeu qu’elle seule pouvait apprécier, mais elle l’appréciait ! Et tout devait se terminer là ?!

Elle plaqua les mains sur ses oreilles, craignant la détonation d’une arme à feu, un cri, une injure, quelque chose…

-Ne me tue pas, pitié, ne me tue pas ! Laisse moi t’expliquer !

Bon… À peine était-elle réveillée qu’elle commençait à délirer. Chienne de vie et ses blagues stupides… Mais c’était quoi ce bordel, cette idée de mettre des trucs dans le genre dans la tête de la boss de la Mavros?! Elle n’allait pas la tuer voyons, c’était le passé ça… Intérieurement, la policière fulminait : tout ce travail, toute cette attente pour repartir à la cas départ? Et puis quoi encore oui! Cela dépassait et de loin les limites du ridicule et de l’injustice! Il fallait lui rendre la mémoire, lui rappeler les souvenirs…

« Eh, du calme ma belle… Voyons Elo, c’est moi c’est Malhia… T’as pas à t’en faire voyons… Tout doux, c’est moi qui vais plutôt t’expliquer un truc ou deux. Essaie de te rappeler d’accord? Avant que tu ne me fasses un coma éthylique, tu étais au bar avec tes p’tits gars. Vous veniez de butter une pouffiasse tu te souviens? La main au cul, ça te dit rien? Tu venais de partir de chez moi… Ben en fait tu y es encore, c’est de là que je t’ai soignée… Voyons Elo, le baiser à la clinique, t’as oublié? Attends… »

Ah bien voilà qui venait plus que surprendre la policière, apparemment la boss de la MAvros faisait de l’amnésie. Bon… Elle avait peur, elle pensait que la policière voulait la tuer… Parvenant tant bien que mal à se rapprocher d’Elo, elle réussit à l’embrasser une nouvelle fois, comme la veille, histoire de lui remettre les idées en place, faute de meilleur plan. Elle esquissa un sourire rassurant après quoi et reprit la parole.

« Et là, ça te revient Elo? Tu te rappelles? Nous ne sommes plus des ennemies, cela devrait sonner une cloche non? Tu m’as même sauvé la vie… J’ai encore le papier de la clinique où tu m’as amené sur ma table de salle à manger… »

S’il fallait refaire tout le trajet, tout le parcours de la veille pour lui ramener la mémoire, et bien merde elle le ferait et cent fois si nécessaire! Il était hors de question de changer l’histoire! Il était hors de question de tout reprendre à zéro!

Tremblante, Eloane fixait interdit la policière. Son corps était si violemment secoué que cela semblait presque être du chiqué, comme si elle voulait se donner un air encore plus maladif que celui qu’elle avait déjà. Mais pourtant, c’était bien le froid et la peur qui s’emparaient d’elle qui la mettaient dans cet état là. Elle ne comprenait pas le sens des paroles de Malhia, dans son esprit tout ces mots se brouillaient et formaient une bouillie audible sans queue ni tête, certainement un effet secondaire dues aux drogues qu’on lui avait donné pour la soigner. Ce n’était pas le premier coma qu’elle faisait, jusqu’ici elle avait eu la chance de s’en sortir sans trop de dégâts visibles, si ce n’était ses petites crises de folies passagères qu’elle préférait attribuer au stress.

Elle ne réagit pas vraiment au baiser, son rythme cardiaque sembla seulement daigner ralentir un petit peu. Sans cesser de l’observer, elle reprit le control de sa respiration peu à peu, pétrifiée, dans un silence des plus complet. Elle ne comprenait pas ce geste qui semblait venu tout droit de nulle part, la situation s’était su rapidement renversé, rien ne se passait comme elle l’avait prévu.
Que devait-elle faire pour répondre à cela ? Au moins, ses jours ne semblaient pas en danger, la jeune femme ne lui voulait apparemment pas de mal, contrairement à ce qu’Eloane avait pu penser. Son instinct lui soufflait de ne pas baisser sa garde, ça ne voulait rien dire, elle savait mieux que quiconque que jouer la comédie n’était pas compliqué. D’un autre côté, vu son état, elle n’avait pas non plus trop le choix que de se laisser aller aux bon soins de son infirmière de fortune qui semblait il était seule ici, sachant qu’elle ne savait pas ce qu’elle deviendrait seule.

Après avoir baissé les yeux, elle avait remarqué du sang qui coulait lentement que ses avants bras, cela du aux blessures qu’elle s’était elle-même faite en arrachant ses perfusion quelques minutes plus tôt. Fébrilement, elle attrapa le poignet de Malhia, les yeux bas, et elle lui souffla :

-J’ai froid.

Pour le moment, elle ne voulait pas lui parler, elle n’était pas en état. Elle attendait de voir si les bons traitements de l’autre n’étaient qu’un piège ou si réellement elle comptait prendre soin d’elle. Quand leur forme seraient à égalité, elle envisagerait d’ouvrir le dialogue, pour le moment elle n’en avait pas envie. Renfermé, elle ne voulait ni la regarder ni lui parler, trop méfiante encore pour savoir quel rôle elle devait jouer face à elle.

Déployant des trésors d’imagination pour ramener u lit la chef de la MAvros, Malhia pensait. Elle avait froid, elle avait froid… Ce n’était pas comme s’il y avait trente-six solutions, il fallait rajouter une couverture ou monter le chauffage. Ou les deux. Ce que fit la policière sans même hésiter. Bon d’accord ce serait à son tour d’avoir chaud et donc d’être inconfortable mais il fallait ce qu’il fallait pour sauver une vie et pas n’importe laquelle, celle d’Eloane Helies, rien de moins. Donc une couverture de plus et plus de chauffage. Elle ne savait pas trop quoi faire d’autre que cela… Que pouvait-elle faire de plus au fait? Difficile à dire dans son présent état de stress…

Une part d’elle voulait étrangler la criminelle pour ses actes stupides et la présente situation, l’autre voulait lui accorder le pardon… Encore une fois c’était le bordel dans la tête de la policière, juste pour l’énerver. Mais bon, ce n’était pas comme si Eloane était n’importe qui. Ce n’était pas comme si elle aurait droit à la normalité avec un tel personnage. Mais on pouvait toujours espérer, c’était gratuit et autorisé ça! Ironiquement, c'était bien une des dernières choses de la sorte qui puisse exister ans une ville où tout se vendait et tout s'achetait...

« Si tu savais dans quel merdier tu t’es mis Elo… Bordel, à quoi t’as pensé en te mettant à consommer comme ça? Et je suppose que quoi que je dise, quoi que je fasse, dès que tu iras mieux tu vas recommencer. Et c’est justement ce qui me fait peur tu vois? Ah et puis pourquoi je te parle puisque tu ne sembles pas piger un mot de ce que je te dis… »

Grommela la policière en se demandant ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter un tel sort… Et elle qui voulait juste avoir une relation normale avec son ancienne pire ennemie, c’était si demander que cela, si irréel, si improbable? Elle en aurait bien hurlé de rage si elle n’avait pas été si occupée et préoccupée par la demoiselle Helies et ses délires…

« Y a des jours je vous jures, je me demande ce que j’ai fait pour que le destin s’acharne sur moi… »

Les reproches qu’on pouvait lui faire sur sa trop forte consommation de drogue ou d’alcool la faisait toujours rire. Cela venait toujours de personnes issues d’un milieu un minimum aisé, Malhia par exemple. Qu’est ce qu’elle prétendait connaître de la vie qu’Eloane avait eu jusque là ? Oui elle s’injectait deux shoot dans les veines quotidiennement, elle fumait et elle buvait tant qu’il était étonnant d’un point de vu médical qu’elle soit encore là pour continuer, mais elle n’était pas la seule dans ce cas là. Elle ne se croyait pas supérieure parce qu’elle faisait toute ces choses, mais elle ne se sentait pas non plus inférieure contrairement aux idées reçues qu’on pouvait avoir sur « les drogués » comme on les appelait avec mépris.

-Ouais… Mais en plus, je te mépriserai un peu plus à chaque phrase que tu prononceras.

Sur ces mots, elle se retourna dans son lit, pour faire dos à la policière, et ferma les yeux. Elle ne voulait pas la voir plus longtemps, elle préférait dormir même si elle ne se sentait pas fatiguée. Toujours autant grelottante, elle ramena contre elle les pans de la deuxième couverture, ce qui ne sembla cependant rien arranger. Elle replia ses genoux contre elle et les entoura avec ses bras, coinçant ses mains entre ses cuisses espérant ainsi les réchauffer. En réalité, si elle avait froid comme ça c’était à cause de la fièvre, une fièvre certes légère, qui ne devait pas dépasser 38 mais qui vu son état, prenait assez d’importance pour avoir des effets plus puissants qu’ils ne l’auraient été normalement.

Elle s’endormi sans s’en rendre compte, et ne se réveilla que le lendemain, cette fois ci elle était seule dans la pièce. Elle mit quelques minutes à émerger, puis elle se risqua à se lever. Son état était bien meilleur que la veille, elle pu marcher sans encombre jusqu’à un miroir mural. Elle avait une tête affreuse, ses cheveux étaient emmêlés et ne ressemblaient plus à rien, elle les arrangea tant bien que mal en y passant ses doigts. Sans bruit, elle sortit de la pièce et trouva la policière endormie sur un canapé. Elle voulu la réveiller quand elle vit la date sur une horloge électronique. Merde, ça faisait 3 jours qu’elle n’avait pas donné de nouvelles à ses gars, la Mavros devait être en ébullition, en train de la chercher partout, accusant tantôt l’un tantôt l’autre d’enlèvement. Ca risquait de finir en eau de boudin, il était plus que temps pour elle de rentrer.
Elle retourna dans la chambre pour chercher des vêtements.

Malhia Lyman avait toujours eu le soleil léger. Ce ne fut donc pas une surprise donc qu’elle se réveille en entendant du mouvement dans son domicile. Sortant son arme de service de sous son oreiller de fortune, elle se dirigea à pas de loup vers sa chambre où dormait la boss de la Mavros. Qui avait bien pu s’introduire ici à son insu?! Chose certaine, il devrait répondre de ses actes! Et il finirait très certainement percé de petits trous! Ouvrant tranquillement la porte, qu’elle ne fut pas sa surprise de retrouver Eloane en train de se changer! Restant plusieurs secondes sans voix et sans la possibilité de bouger, la policière se frotta les yeux. Est-ce qu’on parlait de la même femme qui encore hier délirait sans bon sang? Apparemment oui, à moins que le manque de sommeil n’y soit pour quelque chose. Forcée d’admettre que seule une question offre une réponse, elle demanda donc d’une voix où les traces du sommeil paraissait encore.

« Est-ce que t’es réelle? Elo, c’est toi? Si oui bah t’as l’air en meilleure forme qu’hier… Tu redeviens toi trois jours plus tard, eh ben, c’est pas banal… Bien dormi au moins? Bordel, si j’avais su que je passerais mes maigres jours de vacances à veiller sur toi, je ne l’aurais jamais cru… Enfin bon, fallait ce qu’il fallait pour te sortir de ce merdier… Et je l’ai fait. Heureuse de te voir de nouveau dans le monde conscient… »

Réprimant à grand peine un bâillement, la policière alla faire le lit défait, habitude de perfectionniste héritée du métier et se mit à débarrasser tous les trucs qui traînait sans trop jamais quitter la chef de la Mavros des yeux. Ah, les choses qu’elle était prête à faire pour cette femme criminelle… Elle, le bras armé de la justice, à fréquenter les criminels… Enfin… Une criminelle. Et pas n’importe laquelle! Mais bon, ses choix éthiques, politiques et religieux ne la regardaient qu’elle! Franchement, à bien y penser, Ataxia avait un effet pervers même chez les plus incorruptibles… Et Malhia n’y faisait pas exception malgré des années à servir dans le droit chemin.

« Alors beauté… C’est quoi le plan pour aujourd’hui? Tes petits gars ne vont pas mourir parce que tu me donnes quelques unes de tes précieuses heures. Après tout, ils ne se sont pas trop trop pointés pour t’aider quand t’as fait ton coma éthylique! Moi si par contre! »