Pas à sa place [PV]

Le vent était frais et courait sur le visage de Wind telle une douce caresse. La demoiselle venait de quitter les bâtiments de la Mavros et avait décidé de déambuler sans se fixer de réel but. Elle ne souhaitait pas rentrer, ou du moins pas pour le moment. Si cela avait été le cas, il lui aurait suffit d’appeler un taxi plutôt que d’enfiler à pied la distance qui la séparait de l’hôtel miteux où elle séjournait. En fuyant Ataxia, il y avait de cela quelques semaines, elle avait emportée avec elle ses affaires. Lorsqu’elle était revenue en ville, elle n’était pas certaine de retrouver son confortable appartement à la Mavros, voilà pourquoi elle s’était installée dans un petit bouge à la périphérie de la ville.

Ses pas la menèrent jusqu’au quartier de la Synnefo. Selon toute vraisemblance, rien ne pouvait porter à croire qu’un membre de l’organisation surgirait au coin d’une rue pour l’attaquer. Tant qu’elle n’approchait pas trop dangereusement les Schya, elle ne risquait somme toute pas grand chose. De toute façon, le parc où elle arriva bientôt ne semblait parcourut que de civils. Son appartenance à la Mavros n’étant pas affiché sur son front, Wind décida de s’asseoir un instant sur un banc. Elle réalisa alors que cela faisait un moment qu’elle n’avait pas prit le temps de se poser, et pas juste dans le sens littéral du terme. Les dernières semaines qui étaient passées lui revinrent alors en tête et elle prit un moment à se laisser porter par elles.

Un vendeur de sandwich passa devant elle et son air songeur et lui lança un regard qu’elle n’apprécia pas. Pourtant, elle ne cilla pas et trouva qu’il en était mieux ainsi. Provoquer une vulgaire rixe alors que de nombreux membres de la Synnefo pouvaient être mêlés à la foule n’était pas des plus judicieux en effet.

Une brise de vent un peu plus forte fit virevolter ses cheveux, mais Wind ne s’en troubla pas. Elle restait droite comme un i, un peu trop remarquable dans ce parc où tous étaient si naturels. Elle prit donc sur elle de se détendre et souffla un peu.

-Hein quoi ? Non ! Ne raccroche pas ! Si j’ai… Oui, je sais que tu… Hein ? Nan… Arrête ! Mais laisse moi parler ! Je te dis que… Non rapproche pas !

Erwan se retrouva alors en conversation téléphonique passionnante avec un « biiip biiip biiip… »… Il soupira et raccrocha, avant de fourrer son portable dans sa poche. Lui qui était en train de marcher fit une pause, et leva le nez quelques secondes pour regarder le ciel. Décidément… Son père était tout sauf en accord avec sa décision d’entrer à la Synnefo… Il avait déjà du faire des pieds et des mains pour arriver à l’avoir rien qu’une fois au téléphone, et là… Il doutait qu’il lui réponde à nouveau. Il soupira et reprit sa route.

Il n’était pas habitué à sortir, il détestait cela. Mais bon, cette fois ci il n’avait pas eu le choix. Son frigo était vide, et même un tueur à gage devait se nourrir de temps en temps… Il préférait faire sa propre cuisine plutôt que d’aller au réfectoire. Là, ce n’était que bruits et foule, encore une chose que le jeune homme ne supportait pas. En tous cas, pour aller à la superette du coin, il fallait passer par le parc Synnefo. C’est durant la traversée de ce dernier que le jeune homme tenta une énième fois d’appeler son père. Cependant, la conversation qu’il avait eue avec ce dernier l’avait agacé et fatigué, il avait grand besoin de se calmer.

Il cherchait donc du regard un banc où il puisse s’asseoir quelques temps. Mais voilà, tous étaient occupés par des couples en train de se bécotter sans aucune gêne. Pas vraiment le genre de personne à côté de qui on a envie de s’asseoir. Pour commencer, parce que des personnes s’affichant ainsi avaient le dont de mettre l’espion mal à l’aise, ensuite, parce qu’il était politiquement correcte de ne pas déranger un couple dans ce genre… « D’activité ». Bref, il avançait, et il finit enfin par trouver un endroit où aller. Certes, ce banc était occupé, mais ce n’était pas par un de ces fameux couple, et c’était toujours mieux que rien…

Il prit donc place aux côtés de Rose. On avait ainsi une représentation des trois sociétés, la Mavros, représentée par Rose, ainsi que la Schya et la Synnefo, représentées à elles deux par Erwan (il en a des talents cachés le garçon…). En tous cas, ayant reçu une éducation de Schya, il inclina légèrement la tête, en disant :

-Mademoiselle bonjour…

Il s’assit ensuite, sans plus vraiment faire attention à elle. Enfin… Ce ne fut que de courte duré. Une feuille morte tomba dans les cheveux de la jeune femme, et Erwan le remarqua du coin de l’œil. Il avait bien conscience qu’il était à Ataxia, et que de prévenir quelqu’un de cela pouvait lui valoir de se retrouver face contre le bitume pour « avoir agressé » la personne… Une belle bande de parano… Il garda donc le silence, ne pouvant s’empêcher d’afficher un sourire amusé, et en s’efforçant le plus possible de regarder ses pieds.

Perdue dans ses songes, Wind avait quelque peu perdue la notion du temps. Lorsqu’elle revint à la réalité présente, ce fut pour voir un jeune homme la saluer et s’installer à ses côtés. De quel droit? Certes, ce banc était public, et appartenait donc à tout un chacun, mais la jeune femme avait besoin de son ‘espace vital’ et cette intrusion dans celui-ci avait le don de l’agacer. N’y avait-il pas donc d’autre banc? Un rapide coup d’œil lui suffit à réaliser que non. Décidément c’était sa veine. Ne pouvait-elle pas se poser tranquillement pour réfléchir sans que quelqu’un trouve bon de la déranger? Certaines personnes n’avaient décidément pas le moindre savoir vivre. Il lui prenait presque l’envie de s’en aller, mais l’idée même n’était pas soutenable pour Wind qui ne supportait pas de se laisser dominer et le simple fait qu’on la pousse à s’en aller d’un banc qu’elle occupait initialement lui donnait cet effet. Peut-être était-ce un peu tordu, mais la jeune femme ne connaissait, des relations entre humains, que celle de domination et de soumission qu’elle engendrait .
Toujours est-il qu’elle ne prit pas la peine de répondre à la politesse et détourna le regard.

Mais, lorsqu‘elle glissa de nouveau un regard dans la direction du jeune homme, elle remarqua le sourire amusé qu’il affichait un peu trop ouvertement à son goût. Wind comprit relativement vite ce qui causait cette ‘hilarité’ et s’enquit de passer une main nonchalante dans ses cheveux pour en enlever la feuille qui s’y était insinué. Elle foudroya le jeune homme d’un regard peu chaleureux avant de s’exclamer:

« Cela vous amuse? »

Sa voix n’était pas froide à proprement dit. C’était une véritable question, bien que la jeune femme n’attendit pas expressément de réponse. Elle se contenta donc de continuer, bien que n’affichant qu’un bref intérêt à ce qu’elle demandait.

« Pourrais-je savoir pourquoi vous être assis sur ce banc? Je suis certaine que vous auriez put retarder votre pause de quelques minutes. »

Wind paraîtrait immanquablement incorrecte et très peu avenante, mais ce n’était guère son but de toute façon. Elle n’aimait guère être obligée de partager ce bref moment de répit avec un inconnu et ne se gênerait pas pour le faire indiscutablement comprendre si nécessaire.
Cependant, un détail chez ce jeune homme la gênait. Elle n’aurait pourtant sût dire quoi ni l'expliquer.

Bien sur, le petit sourire amusé qu’il avait osé afficher fut très mal prit. Quoi de plus normal dans cette ville de toutes façons… Il soupira, laissant son interlocutrice s’énerver. Lui gardait son calme, il était toujours d’un calme olympien. Sauf quand il se retrouvait en face de « Lui », là c’était une autre histoire… Toujours est il que Wind était loin d’être « Lui ». Il préférait ne rien répondre… Quoi que quand elle lui demanda si sa pause n’aurait pas pu être retardée, il ne pu se retenir de lui lâcher :

-Ma pause peut être, mais pas moi…

Sûrement encore allait il regretter ces paroles… Il était fort probable que la jeune femme interprète mal cela, et qu’elle pense qu’il était en train « de la prendre pour une conne ». Ce qui n’était pas tout à fait faux d’ailleurs… Il détestait ces personnes qui sans raison prennait la mouche. Il n’avait pas fait grand-chose si on y regardait bien… Il avait prit place sur un banc public, et rie pour on ne sait trop quoi… La feuille dans les cheveux flamboyants de Wind était elle forcément responsable de son hilarité passagère ? Etait elle vraiment le centre du monde ? Non, sûrement pas… Même si il s’avérait dans ce cas là qu’elle avait en effet été la cause de ce sourire discret.

Cependant, une chose chez cette femme le troublait… L’avait il déjà vu ? Elle avait pourtant un physique qu’on oublie pas… alors pourquoi ne se souvenait il pas avec exactitude où il avait pu la croiser pour la première fois… Il l’avait peut être juste croisé dans la rue, comme ça, et cela l’avait marqué, qui sait…

Il sortit un paquet de cigarette de sa poche. Une marque connue pour son soit disant mauvais goût et son taux anormalement élevé de nicotine. Rares étaient les personnes qui en achetait encore… Pourtant, c’était avec elles que Erwan avait commencé, et depuis, il ne supportait pas d’en prendre d’autre… Il en alluma donc une et en tira une bouffée en regardant pensivement le ciel gris.