Traque au club

Dès qu'ils la virent remonter le tapis rouge bordé de cordons de la même couleur, les gardes qui se tenaient de chaque côté de la porte du club ne purent réprimer un soupir d'exaspération.

- C'est la gamine Bartholomew... marmonna l'un d'eux.

- Merci, j'ai vu... répondit son collègue sur le même ton.

- Elle va encore faire chier son monde, comme d'hab, va y'avoir du grabuge.

- A qui le dis-tu.

- Est-ce que quelqu'un se décidera un jour à lui régler son compte ?

- Personne. Jamais. Tu sais bien que son père a dépensé une fortune afin de garantir sa sécurité.

- Mais quelle emmerdheeeey ! Bonsoir miss Bartholomew ! Quel plaisir de vous revoir !

- 'Soir ! répondit Timothy.

Sans perdre de temps en bavardage, elle pénétra à l'intérieur du club. Les gardes ne la contrôlèrent même pas, puisque, comme on l'a remarqué, ils savaient qui elle était, et qu'elle se baladait toujours avec sa carte platine au fond de la poche, raison largement suffisante pour qu'ils lui autorisent l'accès au club. De toutes façons, la moindre personne qui oserait s'en prendre à "la princesse" Bartholomew aurait à faire à son milliardaire de père, ou plutôt à ses sous fifres grassement payés. C'était de notoriété commune.

Timothy se dirigea vers le bar, c'était le meilleur endroit pour surveiller la quasi totalité de la salle et ainsi repérer les éventuels criminels présents. Sur son passage se tournaient quelques regards désapprobateurs, inquiets ou encore rageurs, car on savait que là où passait Timothy, les catastrophes suivaient généralement. La jeune fille se hissa sur un tabouret et commanda un diabolo violette au barman. Puis, elle sortit une petite cuillère - SA petite cuillère, son arme de prédilection - et la posa d'un geste solennel sur le comptoir devant elle, avant de jeter autour d'elle des regards sombres qui voulaient dire : faites gaffe, je suis armée. Se retenant de rire, le barman vint lui apporter son verre. Timothy se mit à siroter sa boisson, aspirant le liquide mauve à l'aide d'une paille démesurée, sa main posée sur le bar juste à côté de sa cuillère, prête à la saisir si besoin s'en faisait. D'un oeil brillant d'excitation, elle surveillait la salle et les moindres nouveaux arrivants, espérant apercevoir parmi la foule une tête connue (connue par le fait qu'elle était mise à prix) et espérant comme toujours enfin tomber sur l'une de ses trois idoles absolues : les trois chefs des corporations criminelles d'Ataxia.

Un cri se fit entendre dans le club, un cri apeuré quand dans un fracas épouvantable précédé d'un bruit de verre brisé un corps s'écrasa sur une des tables du club, visiblement après une chute de l'étage supérieur, plus spécifiquement d'un salon privé. Les gardes de la porte échangèrent un sourire entendu: le bras armé de la justice venait de se manifester à nouveau en allant coffrer un criminel. Ne s'encombrant pas des escaliers, la capitaine de police Malhia Lyman sauta à la suite de son colis mais se réceptionna sur le plancher à ses côtés. Quand le malfrat tenta de se saisir de son arme, elle abattit sa matraque sur le bras de l'autre et un craquement sinistre se fit entendre suivit d'un hurlement de douleur.Sans se formaliser de la fracture de l'autre, Malhia menotta le criminel sans douceur avant de le pousser vers la sortie en lui lisant ses droits.Cependant, le criminel coupa court en clamant haut et fort que personne ne s'opposait à la Mavros et l'inopportun personnage alla jusqu'à appeler à l'aide tous ses confrères criminels...

"Oublie ça mon grand, personne ne va venir t'aider. T'es tout seul désormais et tu t'en vas direct en tôle!"

*Ah ! Il se passe quelque chose !* pensa Timothy en souriant alors qu'un cri à vous glacer les sangs retentit dans le club, suivit de près par un fracas de verre brisé, puis le bruit d'une chute. Timothy sauta de sa chaise avec tant d'empressement qu'elle renversa son verre qui alla se briser sur le sol. Elle sortit son appareil photo et se mit à matraquer, un sourire extasié sur le visage, la scène qui se déroulait devant ses yeux, aveuglant avec son flash quelques dizaines de personnes qui protestèrent sans retenue.

Timothy se rapprochait sensiblement du pauvre criminel malmené par cette brute de policière, ne cessant pas de prendre des photos. Elle était à à peine deux mètres d'eux lorsque le prisonnier se mit à hurler un appel à l'aide. D'un bond, Timothy franchit la distance qui la séparait d'eux et vint se planter devant la policière en brandissant sa petite cuillère d'un air ~~féroce~~ ridicule.

- Laissez partir ce gentleman, vermine de la loi, et je vous laisserai la vie sauve ! déclama-t-elle avec grandiloquence, faisant de grands gestes dans les airs avec sa cuillère.

"Pourquoi, par tous ce qui est juste en ce monde fallait-il que je tombe sur cette serial emmerdeuse de Bartholomew?! Écoute fillette, ton paternel nous paie pour te protéger, nul part dans le contrat il n'est écrit que je ne puisse pas te malmener un rien si tu te mets en travers de la loi. Maintenant range ton ridicule ustensile avant de te crever un œil et retourne jouer avec tes poupées. Laisse faire les professionnels. Y AURAIT PAS UN VRAI MAVROS DANS LA SALLE AVEC QUI JE POURRAIS NÉGOCIER?"

Demanda la capitaine, excédée, les nerfs à vifs. Elle était prête à négocier avec Eloane Helies en personne et relâcher le type qu'elle venait d'attraper pour avoir ne serait-ce qu'une demi-soirée de libre sans être prise pour courir après Bartholomew, pour la protéger d'elle même...

*Avec un peu de chance, mon bluff va fonctionner et elle va partir... Autrement... Je l'assommes ou je l'assommes pas?*

Timothy se sentit bouillir de rage. Elle avait beau se prendre ce genre de réflexion dans la tronche à peu près une fois par jour, elle ne s'y faisait toujours pas. Elle avait toujours été une princesse adulée dont tous les désirs étaient satisfaits, mais depuis qu'elle s'était mise cette lubie criminelle en tête, elle goûtait à l'amer arôme de la frustration et du rabaissement. Elle fronça les sourcils et retroussa la lèvre inférieure, tentant de se calmer car, pour l'instant, elle enrageait trop pour trouver quelque chose de pertinent à répondre.

Le Mavros, quant à lui, hochait la tête, approuvant les dires de la policière malgré le fait qu'il soit son prisonnier.

- Oui, oui oui oui, bonne idée ! Un vrai Mavros ? ... Ou même un faux ? Quelqu'un ? N'importe qui mais pas elle !lança-t-il à l'assistance, sans retenue aucune pour Timothy.

Visiblement, elle ne lui était pas inconnue... Et elle était d'ailleurs suffisamment connue auprès de l'assistance pour que tout le monde pique du nez dans son cocktail ou se lance soudainement dans une discussion effrenée au près de son voisin, afin de ne pas se mêler à une affaire où la demoiselle Bartholomew était impliquée.

- Hey ! HEY ! Gregory, je t'ai r'connu ! pesta le Mavros en s'adressant à un homme assis non loin du petit groupe et qui se leva aussitôt pour prendre la direction de la sortie. Sale bâtard, lâcheur !! J'le dirais à Helies, t'as entendu fils de pute ?

Ce langage fleuri eut pour effet de faire tilt dans la tête de Timothy, pour qui chaque démonstration de violence était comme un bon cachet de vitamine C. Elle se mit à agiter les bras comme si elle essayait de s'envoler et piailla furieusement :

- Mais moi je veux, et je PEUX vous aider, monsieur !!!

Elle poussa un grognement étonnamment intimidant et se jeta sur la policière, s'agrippant à son coup et brandissant sa petite cuillère qu'elle brandit, dans l'intention de frapper la policière à la gorge pour lui trancher l'aorte.

Malhia jura, d'un juron aussi coloré que vulgaire en interposant d'une main (ou tenta tout du moins) sa matraque à la petite cuillère sans lâcher son prisonnier blessé. Bartholomew avait décidément perdu la tête en osant s'attaquer à elle...matraque et cuillère se heurtèrent, sauvant ainsi le cou de la policière. D'un mouvement brusque, elle repoussa la jeune folle avant de lâcher un soupir d'exaspération. Elle en avait vu de toute les sortes, de tous les types, de toutes les trempes mais la débilité profonde de cette fille dépassait l'entendement.

"Dit moi, tu le fais exprès pour être aussi cruche ou c'est génétique? S'attaquer à un membre des forces spéciales de la police, franchement..."

Alors que le manche de la cuillère fatale n'était plus qu'à quelques centimètres de la carotide de la policière, Timothy se sentit valdinguer par-dessus bord. Elle alla rouler à terre et se retrouva les quatre fers en l'air, laissant voir un tous un panorama généreux sur ses dessous. Elle se redressa en se massant les reins et en grimaçant de douleur, alors que la policière ne se gênait pas pour l'insulter ouvertement. Timothy se sentit bouillir de rage. Comment cette moins que rien de représentante de la loi toute pourrie pouvait-elle oser s'adresser à elle de cette façon ?! Ne savait-elle donc pas à qui elle avait à faire ?!!

- Et toi alors ?! hurla Timothy en perdant tout de son ton superbe et grandiloquent. C'est quoi le pire, hein ?! S'en prendre à une vermine de la loi toute pourrie ou bien attaquer un pauvre type innocent, hein, HEIN ?!!

Elle brandit à nouveau sa cuillère, la tenant à l'horizontal au niveau de ses yeux, à la façon des samuraii.

- Alors relâche-le, où il t'en coutera ! Parole de Bartholomew !

"Écoute chérie, retourne jouer avec tes poupées avant de te blesser. Grandit un peu et quand tu auras prit quelques années de plus, disant cinq ou six et de la maturité, revient me voir et je vais me faire un plaisir de t'expliquer les choses, d'adultes à adultes. Je suis flic, pas gardienne d'enfants. est-ce que tu t'es vue? à te prendre par la grande protectrice de criminels qui ne veulent rien savoir de toi? T'es pitoyable, pathétique et en plus, au lieu d'agir de façon intelligente, de te trouver quelqu'un de bien pour partager ta vie, de passer du temps avec tes amies, si tu en as, tu colles aux basques de professionnels du crime comme une mouche après une crotte de chien... Non mais sans rire, tu airas été un rien plus crédible et j'en aurais rit. Mais tu me donne envie de pleurer tellement tu es en train de te pourrir la vie avec des caprices d'enfants gâtés..."

Dit la capitaine de police d'un ton on ne peut plus tranquille, un brin ennuyé même, comme si Timothy était une tâche sur son uniforme. Elle s'adressa à son prisonnier d'un ton familier, comme si ele parlait avec un ami proche.

"Dit moi Frank, toi et moi on se connaît bien, je suis tout le temps en train de te courir après... combien de billet faudrait-il mettre sur la table pour que disons la Mavros se décide à la butter? Pour autant que je sache, ta boss est accroc à l'argent non? Allez quoi, je vais te faire une fleur: tu me files cette info et je dirai au juge de te donner une cellule grand luxe où tu auras droit au téléphone, à la télé et même à une petite salle de bain. ça te changera des cages non? Tu bien bien faire ça pour ta fliquette adorée non?"

En fait, la traque de Frank par Malhia ou la tentative d,assassinat de Malhia par Frank était devenu presque un jeu entre les deux professionnels. Ils étaient proches, d'une certaine manière, presque amis et ils buvaient un verre ensemble à l'occasion, quand Frank se tenait tranquille ou que Malhia troquait une arrestation pour des renseignements... Leur relation aurait pu aller plus loin si Frank n'avait pas été un homme...